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samedi 10 mars 2012


La Blaxploitation

Au cœur de la décennie 60, la ségrégation raciale, les marches pour les droits civiques et la radicalisation politique de la communauté afro-américaine (Black Power, Black Muslims, Black Panthers) deviennent le creuset d’un genre cinématographique qui influencera des réalisateurs de renommée mondiale,  la blaxploitation.

Depuis les débuts du cinéma, les noirs furent caricaturés, moqués, cantonnés dans des rôles de domestique ou de paresseux. Pire, dans les années 20 et 30 on ne daigna même pas employer des comédiens noirs, préférant grimer des comédiens blancs au brou de noix et les mettre en scène de manière la plus caricaturale qui soit.

 Les années 50 et 60 marquèrent une timide évolution avec des acteurs comme Harry Belafonte ou Sydney Poitier mais une fois de plus les rôles sont policés. Tant et si bien qu’à la fin des 60’s, il était temps de changer de partition en radicalisant et en musclant l’industrie cinématographique.

C’est l’acte de naissance de la blaxploitation (contraction des mots « black » et « exploitation »).

L’un des tous premiers films de ce style naissant fut « Cotton Comes To Harlem » en 1970, mais le détonateur fut « Sweet  Sweetback’s Baadasssss Song » réalisé par Melvin Van Peebles au début de 1971.Véritable uppercut cinématographique où pour la première fois un afro-américain tue un policier blanc.

Choquant l’establishment bien-pensant et conservateur, cette œuvre fut censurée et classée X, ce qui n’empêcha pas le film de remporter un très vif succès dans la communauté afro-américaine.


Mais le plus gros carton du genre, qui marqua les esprits aussi bien au niveau de son héros et de sa musique, fut le polar Shaft (Les Nuits Rouges De Harlem) réalisé par Gordon Parks et sublimé en musique par Isaac Hayes (le Theme From Shaft avec son intro et sa guitare wah-wah légendaire). Couronné de distinctions (Grammy Award de la meilleure BO) et plébiscité par la critique, ce film eut deux suites bien moins réussies, Shaft’s Big Score (1972) et Shaft In Africa (1973).

A partir de ce moment, le « black is beautiful » fait son apparition, et toute une pléthore de films (Superfly, The Mack, Slaughter…) dans lequel le héros afro-américain subit le racisme ambiant de la société américaine, et se venge par tous les moyens. Ainsi les personnages campent des individus peu fréquentables (proxénète, truand, dealer de drogues) mais glorifiés par le public.

De nouvelles icônes apparaissent comme les acteurs Fred Williamson (Black Caesar), Jim Brown (Slaughter), Richard Roundtree (Shaft), Jim Kelly (Black Belt Jones, a joué dans Opération Dragon) et les actrices Pamela Grier (Foxy Brown), Gloria Hendry (Hell up in Harlem, a joué dans Vivre Et Laisser Mourir), Tamara Dobson  (Cleopatra Jones, a été cover-girl).

Les bandes originales devinrent plus légendaires que les films eux-mêmes, faisant appel à la crème des musiciens et chanteurs de la scène soul-funk :

-Curtis Mayfield pour Superfly (1972)

-James Brown pour Black Caesar (1973)

-Roy Ayers pour Coffy (1974)

-Isaac Hayes pour Truck Turner (1974)

-Barry White pour Together Brothers (1974)

Puis le genre blaxploitation toucha tous les styles de cinéma (comédie, polar, western, guerre, horreur, film X…) et les grands studios hollywoodiens (Paramount, 20th Century Fox, MGM…) mirent le grappin sur le genre en confiant la réalisation des films non pas à des afro-américains mais à des blancs. L’apogée du style atteint son paroxysme en 1975 avec les succès de Dolemite (délirant personnage incarné par l’humoriste Rudy Ray Moore), de Bucktown (film avec un super casting réunissant toutes les vedettes de l’époque à savoir Pam Grier, Fred Williamson, Thalmus  Rasulala, Bernie Hamilton alias le Capitaine Dobey de Starsky & Hutch…).

Puis le déclin s’amorça progressivement malgré le raz-de-marée de la comédie Car Wash (avec Richard Pryor, musique signée Rose Royce) en 1977. L’arrêt de mort de la blaxploitation viendra avec le flop retentissant de The Wiz (Avec Diana Ross et Michael Jackson dans le rôle de l’épouvantail) en 1978. Les stars de naguère furent mises à la porte des studios et tous entamèrent une très longue traversée du désert.

Les héritiers du style se nommèrent par la suite Spike Lee, John Singleton (Shaft avec Samuel L Jackson) ou Quentin Tarantino (Jackie Brown avec Pamela Grier).

Sorti en 2009, Black Dynamite de Scott Sanders est une parodie des films de cette époque avec tous les clichés qui ont fait la renommée (musique soul, coupes afro, armes à feu, vamps plantureuses), positive ou négative, de ce pan entier de la très riche culture afro-américaine de la décennie 1960-1970.



Vincent Turban

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