La
Blaxploitation
Au cœur de la décennie 60, la
ségrégation raciale, les marches pour les droits civiques et la radicalisation
politique de la communauté afro-américaine (Black Power, Black Muslims, Black
Panthers) deviennent le creuset d’un genre cinématographique qui influencera
des réalisateurs de renommée mondiale, la
blaxploitation.
Depuis les débuts du cinéma, les noirs
furent caricaturés, moqués, cantonnés dans des rôles de domestique ou de
paresseux. Pire, dans les années 20 et 30 on ne daigna même pas employer des
comédiens noirs, préférant grimer des comédiens blancs au brou de noix et les
mettre en scène de manière la plus caricaturale qui soit.
C’est l’acte de naissance de la
blaxploitation (contraction des mots « black » et
« exploitation »).
L’un des tous premiers films de ce style
naissant fut « Cotton Comes To Harlem » en 1970, mais le détonateur
fut « Sweet Sweetback’s Baadasssss
Song » réalisé par Melvin Van Peebles au début de 1971.Véritable uppercut
cinématographique où pour la première fois un afro-américain tue un policier
blanc.
Choquant l’establishment bien-pensant et
conservateur, cette œuvre fut censurée et classée X, ce qui n’empêcha pas le
film de remporter un très vif succès dans la communauté afro-américaine.
Mais le plus gros carton du genre, qui
marqua les esprits aussi bien au niveau de son héros et de sa musique, fut le
polar Shaft (Les Nuits Rouges De Harlem) réalisé par Gordon Parks et sublimé en
musique par Isaac Hayes (le Theme From Shaft avec son intro et sa guitare
wah-wah légendaire). Couronné de distinctions (Grammy Award de la meilleure BO)
et plébiscité par la critique, ce film eut deux suites bien moins réussies,
Shaft’s Big Score (1972) et Shaft In Africa (1973).
A partir de ce moment, le « black
is beautiful » fait son apparition, et toute une pléthore de films
(Superfly, The Mack, Slaughter…) dans lequel le héros afro-américain subit le
racisme ambiant de la société américaine, et se venge par tous les moyens.
Ainsi les personnages campent des individus peu fréquentables (proxénète, truand,
dealer de drogues) mais glorifiés par le public.
De nouvelles icônes apparaissent comme
les acteurs Fred Williamson (Black Caesar), Jim Brown (Slaughter), Richard
Roundtree (Shaft), Jim Kelly (Black Belt Jones, a joué dans Opération Dragon)
et les actrices Pamela Grier (Foxy Brown), Gloria Hendry (Hell up in Harlem, a
joué dans Vivre Et Laisser Mourir), Tamara Dobson (Cleopatra Jones, a été cover-girl).
Les bandes originales devinrent plus légendaires
que les films eux-mêmes, faisant appel à la crème des musiciens et chanteurs de
la scène soul-funk :
-Curtis
Mayfield pour Superfly (1972)
-James
Brown pour Black Caesar (1973)
-Roy
Ayers pour Coffy (1974)
-Isaac
Hayes pour Truck Turner (1974)
-Barry
White pour Together Brothers (1974)
Puis le genre blaxploitation toucha tous
les styles de cinéma (comédie, polar, western, guerre, horreur, film X…) et les
grands studios hollywoodiens (Paramount, 20th Century Fox, MGM…) mirent le grappin
sur le genre en confiant la réalisation des films non pas à des afro-américains
mais à des blancs. L’apogée du style atteint son paroxysme en 1975 avec les
succès de Dolemite (délirant personnage incarné par l’humoriste Rudy Ray
Moore), de Bucktown (film avec un super casting réunissant toutes les vedettes
de l’époque à savoir Pam Grier, Fred Williamson, Thalmus Rasulala, Bernie Hamilton alias le Capitaine
Dobey de Starsky & Hutch…).
Puis le déclin s’amorça progressivement
malgré le raz-de-marée de la comédie Car Wash (avec Richard Pryor, musique
signée Rose Royce) en 1977. L’arrêt de mort de la blaxploitation viendra avec
le flop retentissant de The Wiz (Avec Diana Ross et Michael Jackson dans le
rôle de l’épouvantail) en 1978. Les stars de naguère furent mises à la porte
des studios et tous entamèrent une très longue traversée du désert.
Les héritiers du style se nommèrent par
la suite Spike Lee, John Singleton (Shaft avec Samuel L Jackson) ou Quentin
Tarantino (Jackie Brown avec Pamela Grier).
Sorti en 2009, Black Dynamite de Scott
Sanders est une parodie des films de cette époque avec tous les clichés qui ont
fait la renommée (musique soul, coupes afro, armes à feu, vamps plantureuses),
positive ou négative, de ce pan entier de la très riche culture afro-américaine
de la décennie 1960-1970.
Vincent Turban
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