Vincent TURBAN
Gare
de Bologne, 2 août 1980
Autopsie d’un massacre
L’un
des attentats les plus sanglant du XXème siècle eut lieu en Italie, durant
l’une des périodes les plus sombres de l’histoire contemporaine de ce pays, les
Années de Plomb. Toute une suite d’évènements eurent lieu, dans des tentatives
de déstabilisation du pouvoir de la démocratie italienne (attentat de la Piazza
Fontana en 1969, enlèvement et assassinat du Président du Conseil Aldo Moro en
1978) mais le massacre de Bologne est le point d’orgue de l’horreur car des
civils innocents payèrent de leur vie pour des desseins politiques.
Voici
la chronologie des évènements…
En
ce 2 août 1980, le ciel est au beau fixe, une atmosphère de vacances flotte à
la gare de Bologne, plaque tournante du trafic ferroviaire pour les
villégiatures sur la riviera Adriatique. En effet, les vacances débutent dans
la péninsule italienne. Dans ce climat d’insouciance, personne ne se doute
qu’un drame terrible va se dérouler. Dans la salle d’attente des 2e
classe, une valise contenant un engin explosif composé de TNT, de T4 et de
Compound B est placé sous une banquette sans que personne ne s’en aperçoive.
À
10h25, une violente déflagration secoue le bâtiment et détruit pratiquement
tout l’édifice, le toit s’est effondré, et le train Ancona-Chiasso-Bâle qui
attendait à quai est soufflé et partiellement détruit à cause de l’onde de
choc.
En
un instant, tout bascule dans le sordide, les survivants et les blessés plus ou
moins graves, victimes d’éclats de verre et autres s’extraient tant bien que
mal des décombres fumantes, la panique s’installe et un silence de plomb
recouvre la station de Bologne.
Aux
premières nouvelles, l’explosion serait due à l’explosion d’une chaudière. Les
pompiers et les ambulances se dépêchent sur le lieu du carnage, des civils
aident les secouristes à repérer et à sauver des vies au milieu d’un
enchevêtrement de gravats et de tôles tordues.
Quelques
heures après, un premier communiqué téléphonique anonyme, suivi d’un second est
diffusé, l’attentat est revendiqué par les NAR (Nuclei Armati Rivoluzionari ou
Noyaux Armés Révolutionnaires), groupuscule terroriste d’obédience
néo-fasciste, actif depuis octobre 1977, ayant des connexions avec La Bande De
La Magliana, financé par des hold-up et fondé par Valerio Fioravanti ex jeune
espoir du cinéma italien. On apprendra par la suite que les Brigades Rouges ont
aidé financièrement les NAR pour préparer l’attentat.
Dès
lors, l’enquête s’oriente vers la piste la plus plausible (l’explosion
accidentelle est très vite abandonnée car des débris d’explosifs sont retrouvés
dans les décombres), celle du terrorisme noir et des milieux d’extrême droite,
et le 26 août 1980 le Procureur de Bologne délivre environ une vingtaine de
mandats d’arrêts à l’encontre des militants des NAR, parmi lesquels figurent
Roberto Fiore et Massimo Morsello.
1981,
1 an après les faits, Le général Pietro Musumeci, n°2 du SISMI (Servizio
per le informazioni e la sicurezza militare) ancien nom des services secrets
militaires italiens, est accusé de falsification de preuves pour avoir chargé à
tort 2 leaders d’extrême droite appartenant au groupe Terza Posizione, alors en
exil en Angleterre Gabriele Adinolfi et Roberto Fiore. Le dossier restera
ouvert pendant 15 ans, grâce à la persévérance des familles des victimes, ce
qui permettra au procès d’aller à son terme.
Le
23 novembre 1995, les sentences prononcées par la cour de cassation de Bologne
sont les suivantes :
-
Condamnation à perpétuité pour les exécuteurs de l’attentat (Valerio Fioravanti
et Francesca Mambro qui continuent à clamer leur innocence) mais situation
ubuesque, Fioravanti est libre depuis avril 2009 et Mambro, actuellement en
liberté conditionnelle, sera libre fin 2013.
-
Condamnation pour obstruction à l’enquête pour Licio Gelli (grand chef de la
loge maçonnique P2), Francesco Pazienza, Pietro Musumeci et Giuseppe Belmonte
du SISMI.
Notons
que de nouvelles peines sont instaurées par la Cour d’assises de Bologne en
juin 2000 :
-
9 ans de prison pour Massimo Carminati « Er Nazista » (militant des
NAR et allié de la Bande De La Magliana). Ce dernier est en cavale après s’être
échappé du dépôt du Tribunal de Rome en 1999.
-
4 ans et demi pour Federigo Mannuci Benincasa et Ivano Bongiovanni.