AUX
ARMES ET CAETERA
UN
SPLIFF AU GOUT DE GITANE
Vincent TURBAN
Au
creux de la vague en cette fin des 70’s et enchaînant les échecs commerciaux
malgré des joyaux comme « Melody Nelson » (1971) ou « Vu de
l’extérieur » (1973), mais plébiscité par une génération d’artistes comme
le groupe Bijou qui reprend « Les Papillons Noirs », Serge Gainsbourg
ayant découvert le reggae au milieu des années 70, part trouver l’inspiration
en Jamaïque. Flash-back sur la genèse d’un authentique chef d’œuvre de la
musique hexagonale.
Le
détonateur du projet est la rencontre avec Chris Blackwell, le PDG du label
Island qui arrange le coup en le mettant en relation avec la formation Word,
Sound And Power (les musiciens de Peter Tosh incluant le batteur
Lowell « Sly » Dunbar et le bassiste Robbie Shakespeare) et les
choristes de Bob Marley, les I-Threes.
Coup
de bluff auprès du patron de Philips, Gainsbourg a les titres de ses futures
compositions mais pas de textes. Arrivé à Kingston, l’inspiration vient et en
une nuit toutes les paroles sont couchées sur papier. Au niveau rythmique, tout
est mis en boîte en 2 jours grâce à la maestria de Sly and Robbie, véritable
centrale atomique sonore. Dougie « Radcliffe » Bryan et
Mikey »Mao » Chung apportent le tranchant du skank reggae avec leurs
guitares, Uziah Sticky Thompson tisse un patchwork de percussions absolument
parfait, Ansel Collins et Robbie Lyn apposent un travail de clavier magistral.
Chaque
note, chaque mesure claque de toute part, les riddims sont concoctés au
millimètre près. Le tout est enregistré et mixé dans l’un des meilleurs studios
de l’île, le Dynamic Sounds Studios.
Sur
cet opus, Gainsbourg ne pratique pas le chant au sens traditionnel du
terme, il fait du talk-over (littéralement parler sur la musique). Cette
technique vocale est très utilisée dans la musique jamaïcaine et annonce les
prémices du rap et du hip-hop, qui apparaîtront aux USA à la fin de la décennie
70.
Au
final, l’album fait découvrir les vibrations universelles de la musique reggae
dans notre bon vieil hexagone (même si le Roi Marley est passé à plusieurs
reprises en France entre 1976 et 1979), malgré les attaques en règle des
médias, notamment le billet d’humeur de Michel Droit dans Le Figaro du 1er
juin 1979 qui reproche à l’artiste de « propager inconsciemment
l’antisémitisme en associant cette parodie scandaleuse, même si elle est
débile, avec notre hymne national ». À partir de ce moment, la carrière de
Serge Gainsbourg décolle à nouveau.